jeudi 8 février 2018

Lira - Le chat me fixe

Assis sur mon fauteuil, le chat me fixe haut
L'œil noirci de révolte et voilé de chagrin
L'animal est rebelle autant qu'il est aimable
Ses pirouettes d'humeur me sont si familières
Que je restai muette à son indignation
Offensé, je suppose, par mon indifférence
La moustache vibrante et l'oreille dressée
Assieds-toi me dit-il, nous avons à parler
Ma surprise fut telle, je crois que j'ai miaulé
Mais j'ai obtempéré et je l'ai écouté
J'ai vu des chats couchés dans la boue de l'hiver,
Sur leur lit de misère, je les ai vus quêter
S'il vous plaît pour manger, s'il vous plaît pour dormir
J'ai vu l'apocalypse dans les yeux d'une mère
Qui pliait dans ses bras le sommeil d'un chaton
Plus fripé qu'un vieux chat dans la nuit sans étoiles
J'ai vu des chats pressés d'ignorer l'innommable
J'en ai vu qui crachaient le venin du mépris
D'autres, qu'ils soient loués, venaient les secourir
Distribuaient des repas et quelques couvertures
La patte de velours, le mot réconfortant,
Proposaient un bercail le temps de la froidure
Et moi, qu'est-ce que j'ai fait ? Je suis rentré au chaud
Des images clouées sous le pli des paupières
Et l'âme déchirée de n'avoir su que faire
Voilà, je t'ai livré le sombre des félins
Dis-moi, par Jupiter, que pareille détresse
Serait intolérable à tes frères humains.

12 commentaires:

  1. ton texte est bouleversant, Lira
    car ton chat me fixe, et me trouve impuissante et lâche devant le dénuement et le malheur qui frappe mes frères humains, et il a désespérément raison :(

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  2. Lira, ton texte est poignant...Après ton commentaire Tisseuse, si juste, tout ajout de mots paraîtra banal...

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  3. Il fallait bien un chat pour nous déstabiliser dans notre monde douillet et aseptisé

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  4. Ton chat est un sage. C'est très touchant.

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  5. "Ma surprise fut telle, je crois que j'ai miaulé"

    deux parties en miroir
    un chat qui dit la misère et l'indifférence
    et la compassion aussi
    dans son monde de félins
    au sombre

    heureusement chez les humains cela ne se peut guère...

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  6. Un texte très baudelairien, Lira.
    ET une belle parabole sur les malheurs humains devant lesquels nous nous sentons bien souvent impuissant.
    Bravo pour ce texte fort
    ¸¸.•*¨*• ☆

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  7. Poignant. Beau. Bref, j'en suis bouche bée, mais tenais à dire que ce poème m'avait plu.

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  8. Excellent, les rimes sont bonnes, ça sonne bien, c'est délicat et bien observé.

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  9. C'est très beau Lira.
    Tu as su parfaitement calquer le comportement de ton chat sur celui que peut avoir l'homme face à la misère et l'abandon de ses pairs.
    J'ai bien aimé le clin d'œil "je crois que j'ai miaulé" ;-)

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  10. J'ai beaucoup goûté la fluidité de ce texte, toute au service de sa profondeur. Bravo !

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  11. Merci à tous de vos commentaires très gentils commentaires.

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