samedi 9 décembre 2017

Lilousoleil - Tourner la page

Elle avait attendu quelques minutes dans le hall de l’immeuble tout en jetant un œil sur les boites aux lettres. Elle ne reconnut aucun nom… A quoi s’attendait-elle au juste ? Que le monde s’arrête de vivre, que le temps arrête de s’écouler ? Arrivée au quatrième étage la porte de l’appartement était restée la même ; elle le sut en voyant la petite écaille de vernis, celle-là même qu’elle avait faite un jour avec sa clef. Derrière elle la concierge attendait. Nouvelle elle aussi !  Qu’attendait-elle ? Ah oui un pourboire certainement ; pauvre Mélanie, elle avait perdu les bons usages, les bonnes habitudes ! Elle n’avait pas demandé à ce qu’on lui  porte ses valises, elle avait juste demandé les clefs que la secrétaire de l’avocat avait déposées chez le gardien. La femme avait fait le ménage…. Vite fait car à l’intérieur rien … l’appartement était vide. Tout avait été enlevé, les jolis meubles de la chambre, la bibliothèque dont sa mère était si fière…Il n’y avait que les meubles de cuisine sûrement qu’on n’avait pas pu les desceller et dans la salle de bain un rideau en plastique, détail trivial trempait dans un bac à douche sommaire et méconnaissable.  Pourtant l’appartement avait été aéré aucune odeur de renfermé ne flottait. D’une voix blanche, elle remercia la concierge qui glissa dans sa poche le billet de 20 euros que Mélanie lui tendit. Elle avait du mal avec les euros ; quand elle avait été incarcérée on avait encore les francs et la conversion lui était difficile. Elle ferma la porte, le verrou avait été changé remarqua-t-elle. Elle se dirigea vers la cuisine, ouvrit un placard, vide, pas un verre…. Elle avait soif, elle but dans ses mains au robinet dans l’évier, se dirigea vers la porte-fenêtre dont elle tira le store ; il grinça un peu puis finit par accepter de se relever. Un pas, elle fut sur le balcon, large, recouvert de tommettes grises, il donnait dans la cour intérieure, elle reconnut la fontaine qui à cette époque ne coulait pas, les pavés usés, les arcades qui donnaient accès aux entrées d’immeubles, les arbres qui faisaient le bonheur des chiens. En face d’elle une trouée entre les constructions ouvrait sur la petite place dite de la République, au loin le parc… C’est alors qu’elle entendit au dessus d’elle un bruit, un bruit familier, le bruit jamais oublié. D’un bond, un chat roux atterrit sur le balcon… Il s’approcha d’elle d’abord méfiant, il la flaira puis se frotta contre ses jambes.  Les larmes aux yeux, elle se baissa, et murmura : « Brave Perlette, tu es toujours là, tu as vieilli mais tu n’as pas changé… Tu dois avoir quinze ans au moins ». Elle frissonna tout à coup malgré l’air tiède et allégé du printemps ; il lui fallait ouvrir ses valises. L’une contenait sa maigre garde-robe, l’autre quelques papiers importants et quelques livres… Il lui fallait tourner la page !

6 commentaires:

  1. Tourner la page est pour elle une nécessité, une urgence pour commencer une nouvelle vie. Un texte émouvant.

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  2. Youpi ! Voilà une belle histoire, comme je les aime, l'essentiel, pas de fioritures... Bravo !

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  3. Arpenteur d'étoiles9 décembre 2017 à 19:11

    un beau Texte, Lilousoleil et un chat d'amour Perlette, et un appartement (intéressant dont tu ferais la peinture et la tapisserie) :)

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  4. Un vrai plaisir de lecture ce moment où beaucoup de choses sont dites mais pas écrites...

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  5. Tout en pudeur et en petits gestes quotidiens qui empêchent de sombrer et aident à tourner la page...
    ¸¸.•*¨*• ☆

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  6. très pudique effectivement ce récit, et très émouvant, comme le prélude à, je l'espère, une nouvelle vie, bien que dans un ancien lieu

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