samedi 2 septembre 2017

Marité - Ça paraissait pourtant simple

L'herbe, le lait et le miel

- Allo Charlie ? C'est Lulu. Les vaches de Gérard sont sorties du pré. Ça urge. Viens m'aider et magne-toi.
- Pas possible ! Qu'est-ce qu'il a encore fabriqué ce con ?
- Arrive je te dis.
Lulu raccroche et se met à faire les cent pas dans la cour de sa ferme en se grattant la tête. Merde. Merde. Merde. Il ne manquait plus que ça.

Un quart d'heure plus tard Charlie déboule sur les chapeaux de roue au volant de son pick-up noir.
Lucien se précipite à sa rencontre, complètement affolé.
- Vite. Ne descends pas. Il faut aller au champ de maïs fissa.
- J'ai bien compris. Heureux encore qu'on ait trouvé cette astuce - les vaches - pour ne pas se faire repérer. Tu te rappelles en 68 quand on hurlait "mort aux vaches" ? Mais raconte. Qu'est-ce qui se passe ?
- "Mort aux vaches". C'est bien le moment de rigoler. Ce Gérard, je n'ai jamais vu un imbécile pareil. Je t'avais bien dit qu'il ne fallait pas lui faire confiance.
Figure-toi qu'il est venu ici récupérer le matériel ce matin. Il m'a dit vouloir conditionner sa propre récolte. Il n'a même pas pris la peine de placer les ustensiles dans un sac et de le mettre dans son coffre. Il a tout balancé à l'arrière de sa voiture.
- Pas malin effectivement. Mais comment tu sais… ?
- Comment je sais ? Ce con m'a appelé sur son portable en rentrant chez lui. Au volant naturellement. Et paf : il est tombé sur les bleus pendant un contrôle routier sans doute. Qui l'ont arrêté bien sûr aussi sec. Il a eu juste le temps de me dire : les keufs. Voilà comment je sais. J'imagine facilement la suite. D'autant que sa femme m'a prévenu qu'il n'était pas rentré. Je suppose qu'ils l'ont placé en garde à vue.
- Ne nous affolons pas. Les bleus sont sûrement allés faire un tour chez lui. Il a juste quelques plants en pot et peut-être quelques têtes sèches en bocal. Rien de bien méchant.
- Les bleus ? Chez lui ? Tu penses bien qu'ils ont refilé le bébé aux stups. On est dans de beaux draps.
- Il ne nous vendra pas j'en suis certain. Il dira qu'il cultive pour sa conso personnelle. Voilà tout.
- Peut-être. Mais s'il leur prend l'envie de regarder de plus près son portable, ils risquent de venir faire un tour ici. Il faut tout arracher. Tout de suite.
- Tu es fou ? Tu penses que c'est avec le lait de nos Prim'Holtsein qu'on bouclera nos fins de mois ? On a bien besoin de ce petit plus. Au prix où la coop nous paye le lait...J'ai des gosses à nourrir moi.
- Tu préfères aller en taule ? Tu es complètement inconscient. Comme ton copain Gérard.
- Je ne comprends pas. C'était pourtant simple d'éviter les problèmes.
- Ça paraissait pourtant simple je te l'accorde. Il suffisait d'avoir un peu de jugeote. Mais Gérard n'a rien dans le citron. Je savais bien qu'un jour, il nous créerait des ennuis. Je te préviens : je ne veux plus le voir. Et j'arrête les conneries. Moi aussi, comme tu dis, j'ai des gosses à nourrir.
Si tu ne veux pas venir m'aider, tant pis. Je vais me débarrasser de cette merde. Tout de suite.

Au moment de partir vers son champ, Lucien s'arrête, interdit. Gérard sort de sa voiture tout sourire.
Lucien fonce sur lui, les poings en avant, prêt à lui donner une leçon.
- Qu'est-ce que tu fous ici ? Barre-toi avant que je te démolisse.
- Ho ! Ho ! Tout doux. Pas la peine de te mettre dans cet état. Qu'est-ce que j'ai fait ?
- Il me demande ce qu'il a fait. Franchement, ça dépasse les bornes. Tu t'es fait arrêter non ?
- Ben oui. Parce que je téléphonais au volant. Un zélé a remarqué la balance de précision sur le siège arrière et surtout la matière brunâtre qui la souillait. Il m'a demandé des explications. Vous me connaissez : filou comme pas deux, je lui ai dit que je venais de mettre du miel en pot. Ils m'ont laissé filer.
- Ben voyons. Finalement tu as failli être donné par ta balance ironise Charlie plutôt soulagé.

2 commentaires:

  1. Superbe ! Et pour finir il leur a chanté : " j'emmièle les gendarmes, et la maréchaussée" ?

    RépondreSupprimer
  2. Ah elle est belle la paysannerie! heureusement la chute est sympa :)

    RépondreSupprimer

Les commentaires sont précieux. Nous chercherons toujours à favoriser ces échanges et leur bienveillance.

Si vous n'avez pas de site personnel, ni de compte Blogger, vous pouvez tout à fait commenter en cochant l'option "Nom/URL".
Il vous faut pour cela écrire votre pseudo dans "Nom", cliquer sur "Continuer", saisir votre commentaire, puis cliquer sur "Publier".