jeudi 30 mars 2017

Arpenteur d'Etoiles - L'écrivain voyageur

Un texte de fantasy, dans un voyage étrange après la presque fin de l'humanité ...

Le Livre.

Voilà plusieurs mirlosques que nous avancions dans cette jungle épaisse et nauséabonde. Les gigantesques fulriliformes arabesqueuses ne cessaient de se mettre en travers de notre route et nous devions les abattre systématiquement, puis enterrer leurs tronçons visqueux afin que leurs esprits ne nous reconnaissent pas dans l’obscurité mauve.

Josépha II nous retardait un peu plus chaque jour. Son simiobabil accroché à sa double poitrine devenait de plus en plus lourd, mais personne ne pouvait se résigner à l’abandonner. C’était le seul souvenir qu’elle emportait de l’Envers et de son histoire d’amour passagère mais intense avec ce superbe simioniger mâle. Le petit était né dans la jungle des contrebas et avait bien failli se faire enlever par une harde de krischtalons affamés. Drôle de façon de commencer dans la vie, nom de Brotlan le Dru, qu’il m’entende !

Nous étions une trentaine, lancés dans cette aventure. J’avais pu fédérer des hommes, des simionigers, des burlus et des dithyramboïdes autour de cette idée : retrouver les derniers exemplaires d’auriculoptères gris encore vivants. J’avais eu pas mal de difficultés à convaincre mes compagnons de voyage, d’autant plus que je voulais garder secrète la vraie raison de notre quête. Seule Bastetha la fine, ma compagne et complice de toujours savait pourquoi nous risquions nos vies à longueur de mirlosques dans cette région de l’Avers si peu hospitalière.
- Le tirlusque va bientôt survenir, dis-je. Plantons les mâts et les orifeux alors qu’on y voit encore.

C’était en vérité le premier endroit un tant soit peu accueillant que nous rencontrions depuis le début de notre périple. Les ampourlées de cette dimension sont si rares dans l’Avers. Les dithyramboïdes, malgré leurs incessants bavardages étaient d’une efficacité remarquable et je me félicitais à chaque étape, de les avoir emmenés avec nous. Les campements étaient montés en vitesse et nous gagnions un temps de repos dont nous avions tous grand besoin. Mais avant l’obscurité mauve, il me fallait réunir les chefs de groupe pour établir nos plans futurs.

- Réunion dans l’orifeu central. Bastetha passa dans chacun des groupes pour informer les élites.
Nous étions quatre plus elle et les chantres de chaque élite, soit huit personnes, Bastetha remplissant également le rôle de chantre pour notre groupe d’hommes.

Gorouk, l’élite des burlus prit le premier la parole :
- Harpidesternen, il est temps que tu nous expliques ce que nous sommes venus faire dans cette tristejungle.Il me regardait de son unique œil-fanal jaune pâle.
- Il est temps, en effet surenchérit Onisoyt l’élite des dithyramboïdes, petit personnage verdâtre qui paraissait toujours embarrassé de sa paire d’élytres et des ses quatre bras digiformes.
- Hummpfff, conclut Pi environné par les vapeurs du chalumeau qu’il ne lâchait jamais. Sa masse imposante remplissait à elle seule la moitié de l’orifeu. Il parlait peu, les trois quarts du temps par onomatopée et fumait une espèce d’herbe parfumée à la réglisse parfaitement écœurante. En le voyant je me demandais toujours comment Josépha II avait fait pour s’amouracher d’un simioniger si beau fut-il. Seul leur force démentielle les sauvait à mes yeux.
- Vous le savez bien, mes amis. Nous devons retrouver les traces d’auriculoptères encore vivants, c’est tout.

Onysoit gloussa nerveusement. Il replia ses quatre bras sous ses élytres et adopta une attitude d’attente un brin narquoise.
- Tu nous prends vraiment pour des clamobus tonna Gorouk en tapant le sol avec sa griffe gauche. Tu te fous pas mal des auriculomachintères et tu nous caches les vraies raison de cette expédition. Son œil-fanal virait à l’orange et tournait sur lui même, ce qui n’était pas bon signe.

J’échangeais un rapide regard avec Bastetha :
- Puisque vous semblez y tenir, je vais vous révéler la réalité de notre mission.
- Ah, hummpfff, moui … obtins-je en réponse.

C’est alors que le phénomène se produisit. Un bruit énorme descendant du sommet des fulriliformes nous tétanisa. Puis un cri strident retentit tout juste au bord de l’orifeu. Le sol trembla violemment renversant notre table de parlance et l’animal pénétra dans l’enceinte.

L’auriculoptère nous dévisagea les uns après les autres. Sa trompe nous flaira avec circonspection se rétractant devant le chalumeau de Pi, puis s’attardant sur les formes parfaites de Bastetha. Ses immenses oreilles garnies de fourrure grise vinrent se ranger élégamment le long de son corps démesuré. Même le simioniger semblait petit devant une telle majesté. Enfin, il parla :
- Harpidesternen, tu es venu me voir. Je suis là. Mais je sais ce que tu es venu chercher.

Un murmure parcourut l’assistance, la totalité de l’équipe nous ayant rejoint autour de l’orifeu.
- Tu es venu chercher ma mémoire et donc, celle de ton peuple. Tu tends à reconstituer l’histoire des hommes depuis le grand éclair. Tu as raison en cela que c’est nous qui détenons les secrets de vos existences. Notre race est une des rares de celles alors présentes sur le continent primordial qui a résisté à votre folie. Notre masse, notre expérience et surtout, notre jardin secret que vous aviez baptisé le « cimetière des éléphants » mais que vous n’avez jamais découvert nous ont aidé à survivre. Là-bas, nous avons su nous retirer pour nous protéger. Nous nous sommes transmis, de générations en générations Le Récit. En même temps, nous avons pu développer de nouveaux modes de locomotion. Les bouleversements chimiques que vous aviez provoqués nous ont permis de muter doucement. Aujourd’hui, nous utilisons nos oreilles gigantesques pour voler, comme vous avez pu vous en rendre compte. Nous pensions couler des jours éternels et sereins jusqu’à ce que quelques-uns d’entre vous qui avaient réussi à subsister, remettent votre folie en marche. Notre biotope s’est à nouveau réduit et te voilà ici pour nous voler encore nos secrets. Tu vois, cela je ne peux l’accepter.

L’auriculoptère se dressa et lança un barrissement formidable. Une dizaine de ses congénères planèrent gracieusement jusqu’à nous.
- Tu vois, nous pouvons très facilement vous éliminer en quelques coups de trompes, mais nous ne le ferons pas. Nous vous laisserons la vie sauve pour que tu ailles expliquer aux élites humaines, puisque c’est ainsi que vous nommez vos chefs, que votre seule chance d’exister est de trouver la voie de la sagesse et de nous oublier. Je t’ai apporté le seul livre qui reste de vos anciens mondes. J’ignore comment il nous est parvenu. Je ne sais pas lire et ne sais pas de quoi il s’agit exactement, mais c’est le seul lien que vous avez désormais avec vos lointains ancêtres. Prends-le et disparais après nous avoir fait le serment de ne jamais revenir.

Tous nous avons juré, en posant la main sur le Livre.

Aujourd’hui des milliers de mirlosques sont passés depuis cette histoire. Je vais bientôt disparaître et j’ai consigné ce récit sur un parchemin, roulé puis enterré dans la terre grasse du pays de l’Envers. Notre expédition a fait grand bruit et m’a permis de devenir le grand-élite. Je contemple Le Livre posé devant moi. J’ai juste réussi à déchiffrer la première page de ce précieux document sur lequel nous avons juré de garder le secret de l’auriculoptère. Je suis sur maintenant qu’il s’agit d’un livre de prière à Brotlan le Dru, qu’il m’entende.

Bastetha est là qui me tient la main.
Je revois l’ombre du grand éléphant.

6 commentaires:

  1. ah ah :)
    j'aime bien cette fantasy là
    surtout que les éléphants à Nantes ça nous connaît !
    il y en a même un gigantesque qui cherche son chauffeur !!!
    mais ce n'est pas très bien payé :(
    http://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/insolite-nantes-recherche-un-pilote-pour-l-elephant-4881493

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  2. WAW ... Et toutes ces sortes de choses ! Ce récit m'évoque une revue hélas disparue qui s'appelait "Fiction" Et dans ma bouche ça n'est pas un simple compliment. ];-D

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  3. Je suis sûre que c'est très bien comme d'habitude l'Arpenteur mais la fantasy pour moi cela se passe effectivement sur d'autres planètes.Ne m'en veux pas.

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  4. J'ai eu un coup de fil de la Goldwyn, ils t'achètent les droits.
    Peter Jackson est pressenti pour le tournage.
    Il paraît que Tolkien s'est retourné dans sa tombe : « mince ! un concurrent sérieux ! »
    ¸¸.•*¨*• ☆

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  5. Cela me donne des idées de vacances qui sortent un peu de l'ordinaire. Pour lire sur la plage

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  6. 0_0 déroutant univers, enveloppé d'une troublante non-genèse... C'est, perdu aux confins de ta fiction, que j'en demeure coi !

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