vendredi 30 décembre 2016

Kakushi Ken - Trêve


J’ai rêvé d’un enfant né, voulu et aimé… Un enfant bercé dans l’amour d’une mère, embrassant son enfant dans les rires et la tendresse.
J’ai rêvé d’un enfant près de son père, cet homme faisant sauter son gosse sur les genoux, lui enseignant son savoir avec un regard attendri.
J’ai rêvé de ce couple reposant et apaisé, apportant la sécurité et la joie à ce petit garçon assoiffé d’amour.
J’ai rêvé d’un départ de vie comme on l’entend raconter un peu partout en ce monde…
J’ai rêvé de champs de coquelicot où l’enfant se roule, des abeilles fredonnant aux oreilles du garnement. Rêvé de parties de pêche dans des cours d’eau au milieu des éclats de rire de l’homme qu’il idolâtre…
J’ai rêvé de veillées et de chants, d’histoires racontées sur des tons mélodieux et mystérieux par des parents attentifs et complices…

La réalité m’a vite rattrapée. Je n’ai aucune mémoire d’une peau d’homme, rêche et parfumée se frottant sur mon visage pour m’embrasser ; aucun souvenir des lèvres d’une mère embrassant le bout de mon nez…
Je n’ai en souvenir que le vide, l’absence de contact mouillé et tendre. Rien qu’un froid immense, remplit d’un désespoir immonde et gluant. J’ai beau cherché, il n’y a qu’un abysse obscur et glacial dans les tréfonds de mon âme…
Bien sûr l’enfant est devenu un homme ; mais quelque chose n’a pas franchi la frontière entre les deux. Il y a un déphasage qui a fait sa place entre le passé et le présent. Ce déphasage me « décale » dans un monde qui n’est ni le présent, ni le passé ; une espèce de « bulle » dans laquelle je n’arrive pas à m’extirper…
Je ne me sens ni homme, ni enfant. Je suis quelque chose d’autre. Un mutant, un monstre. J’ai beau « singer », « mimer » les comportements sociaux, je n’arrive pas à être social.
J’y mets tout mon cœur, toute mon âme, pour essayer d’exister comme les autres ; mais je suis « vide ». Je ressens la compassion et la haine dans une même charge émotionnelle, la compréhension et l’indifférence dans le même sentiment. Les émotions et les sentiments me terrifient, je ne sais pas les gérer. Je leur cède sans contrôle, alors je les relègue en dernier plan quand ils se présentent…

Le rêve me peine, tout comme le cauchemar. La joie me mine comme la tristesse. Tout cela me semble irréel, en dissonance avec l’instant ; un peu comme si mon ressenti était démesuré…
Je ne peux changer le passé. Je ne peux altérer le présent, je n’ai aucune prise sur le futur… Je suis hors temps, et cela m’effraie. Une seconde me paraît une éternité, et une heure me semble un instant fugace…
Et si tout cela n’était qu’un rêve, ou un cauchemar ?...

Où lire Kakushi Ken

3 commentaires:

  1. brrr... un texte qui fait froid dans le dos dans cette si grande faille entre sa première et sa deuxième partie :(

    et cependant, je travaille psychologiquement avec des personnes qui approchent du même ressenti (ou plutôt absence de ressenti, et questionnement d'anormalité) qu'évoqué par le personnage, et il existe, heureusement, des champs possibles d'évolution, et d'éveil pour sortir de l'hyper protection dans lequel le vide noie les personnes et les enferme

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    1. Le seul fil conducteur que j'ai trouvé dans mon introspection est le "lâcher prise". Il ne résout pas le déphase...
      Un indice pour ce personnage ?

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  2. Arpenteur d'étoiles5 janvier 2017 à 15:08

    j'ai lu plusieurs fois ton texte
    il m'a vraiment bouleversé
    je pense au personnage, un samouraï sans "maître" (un rônin)...
    c'est extrêmement touchant !

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