mardi 22 novembre 2016

Bricabrac - Irma

Mona Mour

Mona, je l’avais perdue de vue. Nous avions déjà fait le carrousel, le tir à la carabine, la grande roue, le chamboule tout, la maison hantée, les autos tamponneuses et le gyrotour. Nous soufflions un peu. Je regardais ses dents blanches qui mordaient une gaufre, ses cheveux qui moussaient comme de la barbe à papa, et ses grands yeux illuminés par les néons de la foire. Je me sentais sur un tapis volant, tandis que mon cœur faisait des montagnes russes. J’étais sur le point de lui dire que j’avais envie que nous essayions le kamasutra, mais elle me prit la main et m’entraîna en courant dans le Palais des Glaces. Je la vis une dernière fois se multiplier à l’infini dans les miroirs polis, puis ses reflets s’évanouirent. Mona Mour était devenue translucide.

Je sortis désespéré du labyrinthe. Je fis le tour des manèges pour la retrouver. J'allai voir du côté des balançoires, des tasses et des chaises volantes, mais en vain. Elle n’était pas non plus dans la chenille, ni sur la pieuvre ou l’éléphant volant. Je grimpai au star flyer pour tenter de la voir et crus l’apercevoir qui tournait au coin d’un stand. Quand je sortis de la nacelle, j’avais les jambes flageolantes, la tête me tournait et mon cœur battait à tout rompre. Je me lançai à sa poursuite dans les allées poussiéreuses, à un moment il me sembla la revoir, entrant dans un baraquement. Mais lorsque j’y parvins à mon tour, il n’y avait qu’une femme aux épaules blanches dans un tonneau, qui dodelinait de ses deux têtes. Découragé, je m’arrêtai à une buvette pour manger une barquette de frites. Je songeai que je ne retrouverais jamais Mona Mour. Sur mes chances j’étais lucide.

La fête foraine s’était installée sur un mail planté de platanes. Je m’éloignais déjà quand j’aperçus dans la pénombre des arbres la roulotte d’Irma, voyante et diseuse de bonne aventure. Qu’avais-je à perdre, à part ma vertu ? Je frappai à la porte en haut des trois marches. Cela sentait tout à la fois le soufre, l’encens et la fleur d’oranger. Des volutes de gitane serpentaient dans l’air. Je pris la place d’un chat qui ronronnait sur un coussin de serge rouge brodé à l’or. « Retourne à la fête, me dit Irma. Prends un ticket pour le train fantôme, ne prête pas attention aux squelettes. Puis embarque sur le bateau pirate, mais n’écoute pas les sirènes. Ensuite, chevauche un flying scooter et attends. » A peine avais-je mis les gaz que Mona Mour sauta en croupe. « Où étais-tu passé, me dit-elle ? » Irma est extralucide.

4 commentaires:

  1. Une aventure sur fond de flonflons avec une terminaison en "lucide" à chaque paragraphe... j'aime bien ça !

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  2. j'adore, l'ambiance tout, et surtout "Mona Mour" :)

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  3. tout à la fois réel et poétique !
    avec le sourire

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  4. tout à la fois réel et poétique !
    avec le sourire

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