jeudi 30 juin 2016

Fred Mili - L'art de faire sa valise

My frenchxit.

Je vais être amené à m'faire la valise, à m'tirer à la cloche de bois. Une fois de plus. Mes amis de Bercy sont à mes trousses. Hier matin j'ai vu le vautour qui a sonné à la porte en bas.
Impressionnant le gars.
J'ai pas répondu.
Tout de noir vêtu. Une gueule de circonstance.
Il a rempli son papier.
Quand il a levé la tête je me suis planqué vite fait.
Il a déjà bloqué mon compte. Cent euros. Le minimum syndical que j'avais laissé pour étancher sa soif.
Donc je savais qu'il allait venir.
J'ai aussitôt ouvert ma Samsonite et jeté pêle-mêle, des slips, des tee-shirts, ma brosse à dents, mon dentifrice, deux pantalons, mon maillot de bain et puis, bien sûr, mon ordinateur et mon appareil photo.
Je change de crémerie. Il est grand temps.
J'étais préparé. Je les connais.
J'ai prévu le coup.
Je vais fermer la porte, pas la peine de tirer le verrou. Ils pourront rentrer pour saisir ce qu'il reste.
Juste une chaise et une table de camping que j'avais ramassées dans les poubelles. Le petit camping-gaz qui me sert à faire chauffer les boites de cassoulet et de quenelles et la vieille cafetière que m'a mère m'avait refilée et bien sûr, comme pieux j'utilise un matelas à même le sol sur lequel j'ai transpiré bien souvent. Il est couvert d'auréoles jaunes et de brûlures de cigarettes. Après un ou deux joints je ne suis jamais précautionneux. Et puis y a certainement quelques cartes de France quand j'étais amené à faire baisser la pression.
Je lui laisse la savonnette et le rouleau de pq.
Je suis gracieux aujourd'hui, il aura de quoi se laver les mains et se torcher le fouine s'il lui prenait une diarrhée subite pendant la saisie.
J'ai un pote à l'armée du salut il me trouvera bien un pucier pour la nuit. Je vais coller ma valise à la consigne et mettre ma brosse à dents dans ma poche.
J'espère que je pourrai laver mon calbute, j'aime pas être craspec sur moi.
Il va falloir que je gruge encore dans le train avec ma valoche ça va pas être facile de me carapater s'il y a un contrôle.
Il est parti l'huissier. Je vais prendre le temps d'm'en rouler une petite histoire de planer un peu et d'envisager les choses avec philosophie.
Bon j'suis pas le plus malhonnête des mecs mais j'déclare plus mes indemnités de chômage aux impôts depuis des années,. Ça me gonfle de m'faire tabasser dans les manifs par un CRS à qui j'ai payé des costards pendant mes années fastueuses en m'acquittant de mes taxes.
Pourtant j'ai pas coûté cher à la société, ils m'ont viré très tôt de l'école parce que j'étais un ignare, pas assez intelligent pour faire des études supérieures.
J'ai glandé ensuite, et puis au moment de partir de l'armée, j'ai réclamé le statut d'objecteur de conscience. J'en ai balayé des trottoirs au lieu d'être enrôlé. J'en ai avalé de la poussière rien que pour ne pas gueuler tous les matins "Oui Chef, Bien Chef" comme dans Full Metal Jacket.
Maintenant j'suis au RSA, pas moyen de me saisir à la source. Je vais sûrement avoir quelques difficultés mais ça n'a pas d'importance.
Je suis prêt à faire mon Frenchxit.

12 commentaires:

  1. Arpenteur d'étoiles1 juillet 2016 à 07:36

    un sacré texte qui raconte la dure réalité d'une vie difficile et hélas si fréquente.
    et puis l'huissier on s'en fout !
    tu vas en donc Angleterre, changer d'air :o)

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  2. Ouf ouf quel texte vertigineux ; c'est donc vrai tu t'en vas pour bon ?

    avec le sourire

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    1. C'est toujours à l'ordre du jour, j'attends de savoir comment évolue mon nodule aux poumons, je recommence une partie des examens fin aout .

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  3. tu pourrais peut-être contacter les gars de la French Connection ? ils auraient peut-être un petit business pour toi...

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  4. Du moment que tu gardes l'ordi pour nous envoyer tes textes...

    ~o00o-----//{ ´°`(_)´°` }\\-----o00o~

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  5. Tu vois, je ne suis pas la seule à me demander si tout cela est réalité romancée, ou vraie fiction ...
    ¸¸.•*¨*• ☆

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  6. On se sert tous de notre vécu pour écrire; c'est notre encre. Triste, heureuse, grave, légère, hypocrite, réelle, sur le fil de notre écriture, nos histoires sèchent sur le papier comme des vêtements trop portés.

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    1. Wow c'est joliment dit tout cela je n'ai rien à ajouter de plus vrai.

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