mardi 3 mai 2016

Lorraine - Gri-gri

           
           Elle n’a  pas de grigri, elle n’en a jamais eu. Ou peut-être  que si, mais sans le savoir.

             Elle avait 9 ans quand son papa lui offrit une poupée en celluloïd, noire et affublée d’un pagne, comme c’était la mode du moment. Elle ne l’aimait pas beaucoup, cette poupée,  mais n’en dit rien  pour ne pas peiner ce papa déjà  malade et qui mourut quelques mois plus tard, les laissant seules, sa maman et elle . Son frère aîné faisait son service militaire (deux ans à l’époque) chez les chasseurs ardennais,  Il fallait tenir jusqu’à son retour quand il retournerait au travail.

             Elles eurent faim et froid. Pour se réchauffer peut-être, elle glissa la poupée dans la poche de son manteau. Curieusement, sa présence la réconfortait. En sortant de l‘école, elle la serrait fort, comme une retrouvaille.  Quand elle avait envie de pleurer, elle la serrait fort, comme une consolation; quand elle étudiait de toute son âme pour sortir un jour de l’impasse, elle la serrait fort, comme une promesse.

            Elle n’a jamais su si la poupée lui avait porté chance. Mais aujourd’hui, se retournant sur son passé, elle le croit.

14 commentaires:

  1. C'est vraiment trop mignon...
    ¸¸.•*¨*• ☆

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  2. J'ignorais qu'en proposant ce thème, tu nous offrirais ce baigneur en celluloïd si attachant !

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    1. Sans le savoir, il fut un gri-gri en pagne. Bien plus qu'une poupée, je crois!

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  3. la poupée ou le doudou réconfort, porteur de toute l'affection de celui ou celle qui l'a offert
    merci de nous avoir conté cette histoire émouvante

    dans mon langage de psy on l'appelle beaucoup moins poétiquement "l'objet de transition" qui permet de rassurer l'enfant et d'affronter les séparations en serrant fort quelque chose qui vient de sa maison, et de ses parents (ou supports d'affection et de sécurité)

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    1. Tu viens de m'apprendre ce rôle essentiel de "l'objet de transition"; j'ignorais vraiment qu'en cachant ce "gri-gri" dans la poche de son manteau, en le retrouvant et le serrant fort, la petite fille affrontait le chagrin, la solitude, le futur...Merci, Tisseuse, c'est comme un voile qui se déchire et m'aide à comprendre.

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  4. Le doudou rassurant et porte chance, si cher aux enfants d'aujourd'hui...
    Émouvant.

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  5. l'objet de transition c'est le Doudou des enfants , bien connu des instits de bases dont je fis partie ; chez les adulescents et adultes actuellement c'est iphone. Moi je préfère la poupée et peu importe qu'elle soit belle ou moche...

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  6. C'était donc aussi, (mais ils ne le savaient pas) le réconfort des enfants d'autrefois. Merci, Jean-Claure

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  7. Arpenteur d'étoiles7 mai 2016 à 18:06

    belle douce et tendre histoire ; les doudous, les peluches, les poupées sont de vrais personnages tellement importants pour les petits et les plus grands aussi. Ils leur parlent, racontent leurs peurs, leurs douleurs, leurs rêves et leurs jeux ...

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  8. Je comprends bien ce que la poupée représentait pour cette enfant : un lien d'amour avec son père d'abord puis une "chose" bien à elle surtout et cela compte quand on possède peu.Je ne sais pas non plus si cette poupée a été porteuse de chance mais elle a été une présence réconfortante. C'est cela que je ressens en lisant ce beau texte.

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  9. Une belle page intime. Page, qui appelle, en cascade, les relations parents-enfant sous tous les aspects, dont la peur de la séparation et la peur de l'abandon. Merci à Tisseuse d'apporter son regard et à Lilou, son expérience!
    Moi, j'ai aimé le style sobre, simple et si profond à la fois pour l'histoire de cette petite fille et de la toute petite poupée (puisqu'elle entrait dans la poche...)

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