mardi 31 mai 2016

L'Arpenteur d'étoiles - La chasse au trésor

Un trésor si dangereux

Il y avait bien longtemps que les rumeurs guerrières s'étaient tues dans la plaine du Grand Affrontement. La victoire sur Aarkham et ses créatures du diable, acquise grâce aux auriculoptères et à l'infini courage des hommes et de leurs alliés, avait été suivie d'une période de paix et de prospérité. Les Arzontax avaient presque tous disparus. Harpidesternen était à présent un homme paisible préférant ses arpens ombragés aux ampourlées tumultueuses du haut commandement. Seuls avec lui restaient de leur célèbre groupe, Bastheta la Douce, son éternelle compagne, et Gorouk, retiré dans la tour gardienne du Ksar de la Porte des terres d'en haut. Hasterin, le babil détenteur du grand secret, était devenu le Grand Elite et régnait sans partage sur le monde connu. Les races s'étaient mêlées, simionigers et hommes d'abord, donnant naissance à des êtres hybrides doués de pouvoirs étranges dont Hasterin avait été le précurseur. Bientôt des métisses de toutes espèces vinrent peupler les terres de l'Avers dans un étonnant brassage. Le monde changeait, mais dans une harmonie foisonnante.

Bastheta s'approcha d'Harpidesternen alors qu'il contemplait une fois encore l'obscurité mauve gagner les collines environnantes.
- Et si nous essayions de retrouver Grandcornu ?
Harpidesternen sursauta. Il y avait des milliers de mirlosques qu'il n'avait entendu le nom de cet hippogriffe si cher à son cœur. Celui qui n'avait jamais faibli, même au pire moment de la grande bataille, quand les nuées de fourcheux obscurcissaient l'horizon. Celui qui n'avait jamais trahi sa confiance.
- Quelle idée farfelue, douce compagne. Nos âges sont avancés et nos forces nous quittent. Et puis les hippogriffes sont partis rejoindre le monde des ombres, leur monde où nous n'avons pas notre place.

- J'ai fait un rêve insista Bastheta. Nous avancions dans une plaine fleurie de fumeuses blanches et d'arabesqueuses pourpres. Nous n'étions que nous. Seuls. Un bruit d'aile survint et il était là. Grancornu, encore plus grand, encore plus beau. Il s'arrêta devant nous et murmura : viens vers moi Harpidesternen. Viens, j'ai quelque chose à te montrer. Puis un bruit dans l'orifeu interrompit mon rêve et je me réveillais.
- Ce n'est qu'un songe, ma Douce, qu'un songe. Même si les hippogriffes ont des vies bien plus longues que les nôtres, Grand cornu doit être déjà vieux à présent. Il n'a plus de raison de faire appel à nous, tu sais.
- Ce n'est pas un appel, Harpi, mais bien plutôt une prière. Et Grandcornu a toujours communiqué par la pensée. Allons, nous sommes les seuls à connaître le chemin de leur vallée perdue et nous avons encore assez de courage et d'énergie pour la rejoindre.

Après longtemps de discussions et d'hésitations, Harpidesternen qui savait les talents prémonitoires de Bastheta, finit par céder. Etait-ce simple curiosité, le désir de lui faire plaisir, ou bien une trace de cette soif d'aventure qui les avait jadis poussés sur les traces du grand éléphant, il ne le savait pas vraiment lui-même. Cet hippogriffe devenu mythique et qui avait sa statue dans nombre de ksars de l'Avers, lui manquait sans qu'il s'en fut rendu compte. Et puis, ce serait certainement leur dernière aventure. Après les préparatifs d'usage, accompagnés d'une poignée d'hommes surs et d'un équipage limité au strict nécessaire, ils prirent bientôt la route vers la vallée perdue. Celle-ci s'ouvrit devant eux après plusieurs lunes de voyage. Le passage de l'étroit défilé qui en gardait l'entrée se fit sans encombre. La vallée qu'ils découvrirent alors les laissa stupéfaits, tant sa beauté dépassait tout ce qu'ils avaient vu jusque-là. Un infini de plaines verdoyantes où ondulaient sous un vent tiède des herbes aux couleurs éclatantes. Des arbres imposants, sentinelles muettes et mouvantes, jalonnaient le paysage et l'on devinait parfois les méandres des cours d'eau, par l'apparition fugace de leurs reflets bleus. Ils restèrent immobiles et silencieux, craignant même que le son de leur voix ne vint briser le parfait équilibre de cette nature sauvage et ignorée.

- Je suis content que tu sois venu fit la voix derrière eux. Grandcornu était arrivé sans un bruit malgré sa taille colossale. Je vous attendais depuis le songe de Bastheta.
- Ainsi c'est bien toi qui as envoyé ce message, dit Harpidesternen. Il regardait son vieux compagnon de combats, encore plus grand, plus fort, plus imposant. Comme avant, il posa sa main sur son bec puissant. Je suis heureux de te revoir. Qu'as-tu de si important à nous faire voir ?
- Montez sur mon dos, vous tous. Vous verrez. Laissez là votre matériel, il ne craint rien. Ils escaladèrent le dos de l'animal ailé et, quand il fut certain que tous étaient suffisamment arrimés, Grandcornu décolla. Un léger battement d'aile et ils montèrent vers le ciel clair. Ils filaient à grande allure, laissant en dessous d'eux, plaines, vallons et forêts se succéder jusqu'à ce qu'un massif énorme barre l'horizon. L'hippogriffe leur recommanda de se cramponner d'avantage et entama une montée vertigineuse.

La plaine herbeuse fit place à des vallées profondes surplombées de pics où s'accrochaient les nuages blancs. D'autres hippogriffes se joignirent à eux et ce fut bientôt une véritable escadre qui aborda la dernière paroi. Avec dextérité, ils s'engagèrent dans une anfractuosité du rocher et pénétrèrent au cœur même de la montagne. L'obscurité ne gênait aucunement le vol de leur monture et de son escorte. Harpidesternen et ses compagnons leur faisaient une confiance absolue. Le vol aveugle leur sembla durer une éternité, puis la lumière les surprit brutalement. Ils étaient arrivés sur un haut plateau inondé de soleil. Là les attendaient une foule silencieuse d'hippogriffes, étonnant spectacle d'ailes battantes. Grandcornu descendit vers elle et se posa près d'un orifeu recouvert de mousse et de branchages. Les voyageurs mirent pied à terre, intimidés par les masses sombres de ses semblables, contrastant avec le calme quasi religieux qui régnait.

- Harpidesternen, regarde ce que nous avons découvert il y a peu à la source d'une de nos rivières. Il se pencha sous l'orifeu et resta muet de stupeur. Devant lui, dans une sorte d'écrin de verdure, trois grosses pierres noires et sept autres plus petites, couleurs de ciel.
- Alors ce n'était pas une légende, murmura-t-il. Tous se succédèrent pour admirer avec respect ce qu'ils avaient reconnu comme étant les « dix pierres du grand secret », aussi nommées « clefs des mondes inconnus ». Il était rapporté dans les grands livres que ces happelourdes apportaient le savoir absolu de toute chose et offrait à leur détenteur la possibilité de connaître l'emplacement des portes vers d'autres mondes. Grandcornu parla à nouveau :
- J'ignore pourquoi le sort a voulu que ce soit nous qui découvrions ces pierres. Nous avons beaucoup hésité avant de te faire signe. Mais seul un homme tel que toi pouvait connaître cet événement et prendre les bonnes décisions.

Le vieil aventurier consulta un instant Bastheta et ceux qui l'avaient suivi, puis pris à son tour la parole :
- Cher compagnon, je te remercie chaleureusement de nous avoir permis de contempler ce qui jusqu'alors n'était qu'un mythe. Mais je crois que nous n'avons pas le droit de prendre de risque. Nous allons enterrer ces pierres au plus profond de ton territoire, afin que personne ne les retrouve jamais. Je pressens que tout le savoir qu'elles contiennent est aussi porteur de tous les malheurs possibles. Si elles tombaient entre les mains d'un nouvel Aarkham, l'Avers et des autres mondes ne seraient bientôt que flammes et souffrances. Les grands livres affirment qu'on ne peut les détruire. Alors enfermons-les pour l'éternité au sein même de la terre qui les as créées. Les pierres furent emportées dans une grotte ignorée, puis les hippogriffes effondrèrent la montagne sur elles. Après quelques jours de repos, Grandcornu ramena ses invités au confins de la vallée perdue. Puis le groupe repris le chemin de l'Avers et des terres d'en haut. Harpidesternen avait décidé d'aller saluer Gorouk dans sa tour gardienne. Bastheta, heureuse de ce dernier voyage, marchait devant à ses côtés. Son intuition s'était révélée juste.

Cependant, ils ne pouvaient voir l'éclat bleuté, couleur de ciel, qui brillait de temps à autre à la ceinture de leur plus jeune compagnon. Inestimable et dangereux trésor.

Harpidesternen, Bastheta, Grancornu, Gorouk et les autres sont des personnages de nouvelles "fantasy" que j'ai écrites il y a longtemps. Aarkham était un sorcier malfaisant voulant mettre la main sur le monde. Il perdit la bataille finale grâce à Harpidesternen et ses alliés et surtout grâce aux auriculoptères (sorte d'éléphants volants). Ensuite le monde devint un monde de paix où toutes les races se mélangèrent. Ces peuplades étranges étaient nées bien après la fin du monde des humains, due à un anéantissement nucléaire ... Mais, peu à peu, les traces des hommes réapparaitront ...
Je n'ai pas encore mis sur mon blog ces courtes histoires, mais je le ferai bientôt.




Où lire l'Arpenteur

4 commentaires:

  1. Un grand bravo, j'envie cette imagination féconde, et il y a longtemps que je cherche à écrire ce style d'histoires, sans grand succès je l'avoue - on ne force pas l'imagination. Peut-être un jour...

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  2. Moi aussi je te dis bravo l'Arpenteur ! Je me répète mais tu as tous les talents. Ceci dit, je préfère le poème n'étant pas une fan de sf. ;-)

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  3. Oui, c'est ça, trop de talent... voilà qui rappelle certain grand commanditaire de Mozart lui déclarer que sa musique comportait trop de notes (le film Amadeus)...
    Je préfère aussi ton poème.

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  4. Ah mais Jean Claude je n'ai pas dit que l'Arpenteur avait trop de talent ! J'ai dit qu'il avait tous les talents. Et puis, après tout, c'est vrai quand même : qu'est ce qui reste aux pauvres écrivaillons que nous sommes, nous autres - moi en tout cas. Rires.

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