CristelD - le carrelet

Le carrelet de mon grand-père

Je regarde cette photo.

Les souvenirs affluent.

Les pique-niques impromptus avec les cousins dans cette cabane qui appartenait à mon grand-père.

Le souffle que l'on retenait à chaque fois que l'on levait le carrelet, et souvent la peine car il n'y avait rien !

Mais parfois il y avait une anguille que ma grand-mère savait si bien accommoder et préparer sur le vieux réchaud à gaz, et que nous savourions sans fourchette, ni couteau, à même la poêle.

Ces nuits passées à se faire peur sous le souffle du vent, emmitouflés dans nos couvertures, à se raconter des histoires de fantômes. Ou encore bercés par le vieux transistor à pile au son crachotant.

Des rires, des pleurs aussi.

Des moments de partage avec la famille et les amis, souvent arrosés au Bordeaux, au Lillet, au mousseux, avec une dégustation très agréable de ces petites crevettes rose clair parfumées à l'anis ou de lamproie. Des repas où le manque de confort ne nuisait en rien.

Ce nom nous l'avions écrit lorsque mon grand-père avait refait la porte : elle ouvrait pour nous un univers si particulier qui contenait la saveur de notre enfance.

Et cette vue si vaste sur l'Estuaire et son ouverture vers l'océan. L'infini du bleu du ciel. Cette eau à la teinte changeante.

Je pouvais passer mon temps, assis sur les planches, à observer le mariage de l'Océan et du fleuve, ses miroitements sous le soleil.

Et aujourd'hui je contemple ce fleuve dont la fureur tempétueuse, associée au vent, a détruit cette cabane si chargée de réminiscences.

Les planches sont portées par l'eau, et je les vois partir. Emportant avec elle mon enfance.