samedi 27 février 2016

Pascal - Encore

La canonnière du Yang-tsé  



France et Pierre Lany se sont installés à Paris, dans leur grande pâtisserie, L’Encore ; en seulement quelques mois, ils faisaient fortune avec leurs confiseries pittoresques.


Fils de boulanger lyonnais, petit-fils de pâtissier, sa voie était toute tracée ; pourtant, ce ne fut pas si simple ; c’est qu’il était dur dans sa caboche, le gone ! Il restait des heures dans le magasin de ses parents. Toujours entre les miches de sa mère, planqué sous son tablier, me direz-vous ? Non ! Il passait son temps à lécher la vitrine du magasin ! Comme si c’était à lui, jalousement, il gardait le butin des confiseries du grand-père ! Quand une troupe de gamins se remplissait les poches avec quelques sous de bonbons, c’était aussitôt des bagarres dans la rue ! Avec des plaies et des bosses, au grand désespoir de ses parents, il remettait son trésor sur les étagères du magasin ! Combien de fois s’est-il fait ramener à la maison entre deux gendarmes...


Il y eu des plaintes et, finalement, l’internat où il réussit pourtant son CAP de pâtissier ; querelleur, jeune brigand, chapardeur, pour le caser, ses parents voulurent le marier avec France, la fille du charcutier d’à côté. Lui, il voulait voir un peu plus loin que les seins doux de l’ingénue poulette. Il était un bon parti, avec la boulangerie familiale qui tournait jour et nuit. Derrière le mur, on entendait gueuler le vieux traiteur : « Retiens Lany ! Retiens Lany !... jusqu’à la fin du monde !... »


En fait de monde, il contracta un engagement dans la Marine ! Ha, sur une antique  canonnière, il en a vu du pays ! L’Extrême Orient, Le Tonkin, le Siam, la Cochinchine, Annam, le fleuve Yang-tsé, les mers émeraude ! Lors d’un périple au Cambodge, invité d’office lors d’une visite officielle, c’est à Angkor qu’il eut le fameux déclic. Après quelques heures de bus, il découvrait les temples. Tous ces petits singes effrontés, courant entre les monuments, monnayant un droit de passage aux estivants, n’hésitant pas à griffer ou à mordre les récalcitrants : c’était lui ; il s’était retrouvé dans ces animaux, notre lyonnais.  


Fort de ses voyages, de ses expériences et de son savoir, il rentra au pays après avoir purgé son volontariat de cinq ans. Reprendre les Pralines rouges dans leur écrin ? Les Galets de la Saône dans le lit d’un plat bleuté ? Le Ballotin de cocons dans son coffre à trésor ?... Non ! A la grande stupeur de ses parents, il allait lancer sa propre ligne de confiserie…


Dans un coin de l’arrière-boutique parental, toujours aussi dur au mal, toujours obstiné, il se mit à la tâche. Il réceptionna des sucres rares de bout du monde ; Il fit fondre ces poudres précieuses ; il malaxa des caramels aux parfums extraordinaires ; il tenta des guimauves, des calissons, des papillotes, des dragées. Bien sûr, pour France, il fit quelques bêtises, quelques chatteries, quelques mignardises…


L’œuvre en gestation grandissait entre ses mains, ses souvenirs et son imagination. Enfin naquirent ces facétieuses petites têtes de singe, aux yeux de framboise, aux sourcils de réglisse, aux joues de pâte d’amande et au goût délicieusement exotique. Pour finaliser son chef-d’œuvre, il ne manquait plus qu’un bâton tuteur. La fortune de Pierre était faite. Sa meilleure goûteuse ?... C’est France, elle adore les Sucettes à Lany…


6 commentaires:

  1. je me demandais où tu nous emmenais dans ce périple sucré, et la chute m'a bien "cueillie" :o)

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  2. Et bien, pour une chute, c'est une délicieuse friandise qui aura un franc succès!
    De méandres en facéties, on voyage quelle que soit la galère! Et comme le souligne Tisseuse, la chute est ''accueillante''....

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  3. J'ai bien rigolé : la canonnière du Yang, tu sais ? Y en a qui s'en rappellent ? Et retiens Lamy ! Et les sucettes itou, qu'est-ce que c'est drôle ! Je dit Bravo, avec un grand B .

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  4. Pour le plus grand bonheur de Pierrot Gourmand

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  5. Bravo , joli texte avec une fin gourmande !

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  6. Je me souviens d'une scène terrible dans ce film...elle m'avait traumatisée !
    ¸¸.•*¨*• ☆

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