jeudi 28 janvier 2016

Clémence - Fantastique 2

Kaléidoscope

Elle mettait en cette fin de journée, un point final à quarante années de travail.
Il vint la chercher en voiture.
Elle déposa un unique carton dans le coffre sans remarquer l'énorme valise. Elle déposa le bouquet
de fleurs sur le siège arrière et s'installa à l'avant. Elle boucla sa ceinture de sécurité.
La voiture était silencieuse. Eux aussi.
Ils quittèrent le centre ville, s'enfoncèrent dans la périphérie et atteignirent l'autoroute. Sans
encombre.
Une demi-heure et ils seraient chez eux.
La sortie habituelle s'annonça. Il ne la prit pas. Elle le regarda et haussa un sourcil. Aucune
réaction.
Elle commença alors son histoire.
« Il prendra la sortie suivante, nous filerons en direction de ce charmant restaurant au menus
raffinés, nos amis et connaissances nous accueilleront, le champagne coulera au milieu de la
rivière des souvenirs et des projets .... »
Il prit la sortie suivante comme prévu.
Le silence devenait inquiétant.
Une longue ligne droite. Il tourna légèrement la tête, les mâchoires serrées, il lui dit :
­ Te voilà retraitée. Moi, je le suis depuis cinq années. Je ne changerai rien à la vie que je me suis
organisée. Je ne cuisinerai pas pour deux, je ne me priverai de rien et tu ne m'imposeras rien.
Elle reçut ses paroles comme des boulets de canon. Elle n'eut pas mal au creux de l'estomac, elle
n'eut pas mal au cœur. Elle remarqua juste de petits clignotements dans son champ de vision.
Ils arrivèrent chez eux.
­ Je ne vois rien....
­ Il n'y a rien à voir, c'est ainsi.
Ils sortirent de la voiture. Les clés de la maison en main, elle prit son carton, son bouquet de fleurs
et se dirigea vers la porte principale.
Il restait planté près de sa portière.
Elle entra.
Il cria :
­ Je pars dans « ma » maison, dans les Landes.
Elle s'installa dans le canapé. Téléphona à son amie médecin et lui expliqua. Non pas le départ de
son mari, mais son problème visuel. Elle se reposa une quinzaine de jours, dormit assise et
réfléchit beaucoup, chercha la première fêlure.
Par un matin de grand soleil, elle partit. Prit l'autoroute et s'en alla vers le nord. Toujours plus loin,
au nord. Elle visita des villes bleutées et des bords de mer au ciel trop bas.
Elle écuma les musées et les cinémas.
Une affiche retint son attention. Un concert dans la capitale. Anne­Sophie Mutter. Les concertos
pour violon de Mozart. Elle prit place dans la salle Art­déco. Un siège était encore vacant.
Les portes se fermèrent. Dans l'obscurité, il s'installa.
A l'entr'acte, ils se présentèrent et bavardèrent.
Le concert fut féerique, leur rencontre fantastique.
La voiture était silencieuse, eux aussi. Ils s'engagèrent sur l'autoroute de leur nouvelle vie.

5 commentaires:

  1. De surprise en surprise. Bien joué

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  2. J'aime bien l'idée du kaléidoscope aux reflets changeants où la destinée de chacun prend une tournure singulière et inopinée

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  3. Le jour les sentiers bifurquent...c'est très bien amené, un grand bravo !

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  4. J'ai oublié le où !
    ► Le jour où les sentiers...

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  5. Arpenteur d'étoiles29 janvier 2016 à 22:44

    Les routes se séparent brutalement et en final d'autres se rejoignent ... une très belle idée et un texte dense et servi par un style simple, clair et très maîtrisé !

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