jeudi 21 janvier 2016

Chri - En pente

En pente, allons.

Il était rouge. Vif. Rutilant. Neuf. Tout neuf. Je venais de le recevoir ce dimanche matin.
Ce sera ton seul cadeau m‘avait-on prévenu. M’en fichais pas mal que ce soit le seul puisque c’était lui. J’étais heureux comme un gosse que j’étais. Je n’ai eu de cesse d’aller faire un tour avec. On y va, on y va ! Je trépignais an tournant autour. Mais les adultes ne sont pas aussi impatients que les enfants. Il a fallu manger d’abord. On ira après le repas, c’est l’heure de se mettre à table maintenant. Je me suis assis en le tirant près de moi, que je puisse le toucher pendant que le temps s’étirait, s’étirait. Ils sont allés jusqu’au gâteau, jusqu’aux bougies que j’ai dû souffler deux fois pour les photos. Jusqu'au café. Les adultes ne peuvent pas se passer de grand chose. Et puis, il a fallu débarrasser. Et secouer la nappe. Alors, alors seulement on s’est habillé chaudement c’est qu’il faisait un froid de canard en cette journée de fin Novembre. Pendant que certains se sont mis à la vaisselle deux ou trois sont sortis avec moi monté dessus mon cadeau. J’étais fier comme un cavalier de musée. Je filais devant eux avec un sourire large comme l’avenue. Ils ont marché sur le trottoir, puis on a tourné à gauche et on a pris le chemin qui monte dans les vergers. Arrivés au sommet, ils ont fait une halte. Et puis on a décidé de redescendre, poussés par le froid. Ils avaient le visage de la même couleur que lui. Tu sais freiner m’a-t-on demandé ? Oui, oui, j’y arrive bien, j’ai dit en tirant les poignées de frein pour leur montrer.
J’ai pris la pente. Et là, après quelques mètres  tout s’est emballé. J’allais vite, de plus en plus vite, les pédales ne suivaient pas, j’ai écarté les jambes et j’ai essayé de tenir bon mais je n’ai pas pu. Au bout d’un moment de flottement, je me suis déporté vers la gauche, j’ai tapé de l’épaule dans le mur puis le vélo a tangué et pour finir s’est couché dans les gravillons j’ai mis les mains en avant et j’ai fermé les yeux. Je crois bien qu’il m’a passé par dessus la tête. Alors, dans un nuage de poussière tout s’est calmé. J’avais les mains en sang, le pantalon déchiré, une plaie saignante à la tête et lui gisait sur le flanc, les deux roues tordues comme une bête blessée.

Ils nous ont porté jusqu’à la maison où on m’a pansé. Je leur ai demandé qu’ils le mettent sur le tapis de la chambre. Je vais m’occuper de lui, j’ai dit.

6 commentaires:

  1. La chambre, c'est bien pour le repos des vélos crevés :)

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  2. quelle aventure ! avec le cadeau tant attendu :)

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  3. Une impression de "vécu" m'assaille..

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  4. @ Mapie Alors ça ça me fait bien plaisir! Merci à vous.

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  5. Arpenteur d'étoiles23 janvier 2016 à 14:55

    le vélo pour Noël en ce qui me concerne et la chute un peu plus tard en sprintant, seul évidemment, en gagnant encore une fois le tour de France :o)
    bonheur que ce genre de souvenir, malgré le mercurochrome et les sparadraps qui pendaient aux genoux

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  6. Ça me rappelle une de mes chutes mémorables. ..mon vélo était bleu.... et le souvenir longtemps gravé au milieu de mon front...Mais je parle de moi!,
    Un texte très bien écrit, empreint de souvenirs d impatience, de persévérance et de bonté pour l'auteur de tes plaies et bosses!

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