mercredi 9 décembre 2015

Pascal - Monochrome (3)

La couleur de la mer-Bleue

…Dis, tu me raconteras la couleur de la mer ?...

Est-ce qu’elle sera bleu corail comme l’encre de l’écrivain pour inspirer un madrigal ? Bleue de cette encre blessée, celle qui ne s’épuise jamais, qui ne sèche jamais, qui ne dort jamais ; celle qui coule dans ses veines, qui gonfle ses tourments en tempêtes brutales et en accalmies bancales ; celle qui définit le fil de sa vie si fragile en bleus à l’âme magnifiquement… insoutenables ; celle qui pleure à gros bouillon, au coin de ses phrases, quand le point final fait obstacle aux déferlantes de ses sensations emportées ; celle qui l’inonde de nouvelles espérances intarissables quand l’aube redoutée, mais tant espérée, efface la nuit avec des efficiences impressionnistes…  

Pourvu qu’elle soit bleue…

Il y a tant à penser quand la mer se soulève en bleu. Quand elle se jette, en courant sur la plage, tout enchifrenée de ne pas teinter le sable, elle recommence inlassablement sa quête en délivrant sa palette intarissable. Je crois bien qu’il existe plus de coloris de bleus délivrés que le vocabulaire en contient dans tous les mots des dictionnaires ! C’est peut-être pour cela que les peintres s’obstinent avec tout leur arsenal de pinceaux charmés ! Ils délayent, ils projettent, ils mélangent pour retrouver la carnation la plus approchante de la vague mourante ! Ils courent du tréteau à leurs visions éblouies, du chevalet aux insinuations pittoresques offertes par les ondulations naufragées, de leurs palettes touillées nerveusement jusqu’aux nouvelles émotions picturales, avec un engouement inspiré sans pareil !...

Avec ou sans lunettes de soleil, je veux qu’elle soit bleue !...

As-tu remarqué comme il est difficile de peindre la mer ? Les rochers, les îlets, la dune et son sable, c’est possible car ils posent, dociles pour l’éternité, mais la mer, ses audaces  et ses remous ?!... Personne ne peut figer l’insaisissable, stocker ses enluminures furtives, fondre tous ses bleuissements dans la trame paysagère : d’ailleurs, quel aplomb présomptueux que de vouloir la reproduire à l’intérieur d’un encadrement doré ! Qui peut se targuer d’emprisonner la mer avec son attirail de peintre de dune ? Qui a le regard le plus subjectif pour la tartiner en langueurs évanescentes entre ses marges picturales ?... Qui a sa période bleue ?…

Je voudrais tant qu’elle soit bleue…  

C’est réconfortant le bleu. Le fracas incessant des rouleaux s’épuisant sur la plage est un métronome détraqué rassurant. Tous les bleus s’y baignent et s’emmêlent avec l’écume pour diluer ou soutenir la moindre de leurs colorations libérées. Parfois, la mer est si bleue qu’elle se confond avec le ciel ! Les mouettes se baignent en apnée et les poissons sont migrateurs !...  

Un jour de fluidité aigue-marine, quand la mer miroitait des nuages narcisses, je me baignais dans le tumulte de mes impressions éméraldine… Il régnait une forme de tranquillité apaisante, une sorte de cessez-le-feu décidé par les éléments assagis.
D’une pureté extrême, la mer était aussi lisse qu’un diamant travaillé dans une taillerie de Bombay. Tantôt bleu turquoise, tantôt bleu cobalt ou encore émeraude, quand le soleil s’invitait aux couleurs de la carnation, la mer supportait mes émotions nageuses…  
Petit à petit, j’ai perdu la notion de surface et de pesanteur ! Je nageais non ! Je volais !... Ha, la mer et ses vertiges… Je ne savais plus quel mouvement adopter pour avancer !... Le ciel et la mer étaient des mêmes couleurs enroulées, mélangés ensemble !... Je m’envolais en nageant !... Je flottais dans l‘azur !...

La mer sera bleue…  

Bleu nuit, constellée d’étoiles, sans attendre le noir ou bleu de Prusse pour peindre des campagnes sans défaite… Bleu saphir comme des yeux pour s’y noyer dedans jusqu’à se retrouver enfin dans l’autre monde. Bleue comme une issue de secours d’un mal dont on ne veut pas guérir. Bleu lagon où s’amarre une île déserte pour vivre enchanté, sans jamais quitter sa plage. Bleu pastel comme du beau temps qui n’en finit jamais ou bleu innocent comme un enfant de troupe ignorant la mitraille un jour de patrie ; bleue comme des barreaux trop épais ou comme des silences trop sidéraux…

Oui, la mer sera bleue et les voiliers s’ébattront de concert sur son dos pour faire plaisir aux cartes postales ! La mer sera bleue parce que l’été nage dans ses vagues ; elle sera bleue pour oublier toutes les grisailles dépendantes de l’année restante, les contrariétés obligatoires et les déconvenues ordinaires !...  

Elle sera bleue comme un canapé accueillant quand il confesse deux corps adversaires dans la même vague criée ; bleue comme une serviette de bain allongée sur le sable et regardant l’horizon flou de brume avec des idées de départ improbable. Bleue, au-delà de la raison, bleue plus loin que l’imagination : bleu outremer. Pour faire plaisir aux bambins, apaiser les mères et somnoler les pères, la mer sera bleue ou elle ne sera pas.

Bleu de charme ou bleu piquant dans le cœur énamouré d’un chardon de dune, bleu de billard sur la boule en ivoire ou bleu de craie remplissant un tableau d’enfant, la mer sera bleue pour oublier ses récifs, ses  naufrages et ses abysses !... Bleu céruléen comme le ciel de Provence quand le Mistral balaie ses nuages ou bleu indigo pour maquiller les orages ou bleu égyptien pour éloigner les voyages, la mer sera bleue et son sable sera chaud…

Tu vois, le bleu est un contexte, une performance de lumière, un confort du temps, une douceur de bonbon, un accompagnement serein, tant qu’il n’est pas… au cœur…

…Dis, tu me raconteras la couleur de la mer ?...

2 commentaires:

  1. Oh ! J'aime bien ! Cela me donne envie d'écrire sur la mer - chez nous, elle se situe entre le gris et le vert, une couleur bien particulière. Ca donne envie de mer bleue, les enfants représentent toujours la mer en bleu, et de fait, sauf quand ça fait du bleu à l'âme ou au coeur, le bleu est une couleur apaisante (surtout mêlée au vert ou au grège du sable... Fin).

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  2. Et le bleu du ciel rejoint le bleu de la mer en une ligne indéfinissable...

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