jeudi 1 octobre 2015

Pascal - Un beau salopard

Le parfait Salopard  

En vérité, je vous le dis : je ne connais pas réellement de salopards. Des cons, des fiers à bras, des tricheurs, des moqueurs, des menteurs, des jaloux, des manipulateurs, des pervers, oui, à la pelle, mais tant qu’ils ne me font pas de mal et qu’ils ne pénètrent pas dans mon espace vital, ni dans celui des miens, je ne puis les traiter de salopard. CQFD. Disons que je ne fréquente pas ce genre de personnage ; je les évite. Les maux de mon prochain ne sont pas les miens. On le sait tous : l’enfer, c’est les autres.

Hé, mesdames, parce qu’entre nous, il faut être un brin vicelarde, un brin tordue, un brin dénaturée, pour s’accoquiner avec un véritable salopard ! Il faut aimer le risque, le danger, les baffes sur le museau, les réflexions blessantes, l’avilissement ordinaire, son monde de prestidigitation et j’en passe ; il faut croire que vous y trouvez votre compte ou même pire. Telles des Jeanne d’Arc inconscientes mais résolues, repoussant le Mal, vous vous inscrivez en redresseuses de Torts. Aux flammes de ses turpitudes, vous éteignez tous les foyers ; à chacun de ses blasphèmes, vous inventez une nouvelle prière ; à chacun de ses écarts, vous comblez le précipice. Peut-être que vous vous contentez des miettes de votre bourreau, qu’un tien vaut mieux que deux tu l’auras ou bien, c’est la peur d’être seule qui vous a conduit à rester prisonnière dans ses bras de saligaud.
Je me suis toujours demandé pourquoi une femme bafouée s’enfermait avec son tortionnaire. L’ensorcellement ? Le plaisir des coups ? La bravoure ? L’esprit de sacrifice ? La peur des représailles ? La sourde vengeance ? Allez, ne me dites pas que l’éblouissement de l’Amour vous a aveuglées à ce point ; Après la boucle du ceinturon en platine brillant, ses sourires de cinéma et sa voiture décapotable, quand vous êtes retombées des nues, vous vous êtes forcément aperçues que vous viviez avec un véritable salopiot ! C’est pour les sous, pour la baraque, pour les gosses, les on-dit, les crédits ?...

Vous, mesdames, qui êtes tellement savantes sur la description d’un vrai salopard, vous qui en connaissez tant et toutes ses ficelles, tous ses défauts, toutes ses dépravations, tapies dans l’ombre, on dirait que vous attendez votre heure de revanche pour le fusiller de vos sentences macérées de trop longues humiliations. Un problème d’érection, une fuite dans le pantalon, une toux de sapin, et vous l’écrasez dans votre menotte ; vous salissez enfin son amour si peu propre car vous savez tout de ses faiblesses. Vous l’avez appris mais vous n’avez pas su le dresser, votre matou. Vous, vous l’avez toujours caressé à rebrousse-poil ; c’est normal si ses griffes se sont allongées continuellement.

Sachez qu’un salopard n’aime personne et n’aimera jamais personne ; il n’a que l’ambition de gonfler et de surdimensionner son ego. C’est un puissant se couronnant sans cesse dans un royaume de faibles. Joueur, jouisseur, affabulateur, tyran, pleutre, égoïste, ignorant, truqueur, misogyne, il est le manipulateur de son entourage, le trouble-fête de sa propre famille, le grain de sable dans le mécanisme du bonheur des autres. Il n’a que les desseins de sa seule réussite aux dépens de tous.

Chacun de nous a sa propre définition du salopard, pour ce qu’il a fait, pour ce qu’il fait ou pour ce qu’il fera. Il est une suite de vérités personnelles acquises au fil de ses méfaits. J’ai même lu, ici ou là, qu’un raciste était aussi un salopard ; c’est amusant, n’est-ce pas ? La liste des ravages d’un salopard n’est pas exhaustive. Pour des histoires de fesses, d’argent, de religion, d’ouverture d’esprit, de politique, de gosse, à un moment de notre vie, nous sommes tous le salopard de quelqu’un d’autre.

En vérité, je vous le dis. L’apanage du salopard n’est pas masculin. Et salopard, au féminin, peut-on dire simplement : salope ? Alors, là, oui, j’en connais plein, des salopes, des connes, des tricheuses, des menteuses, des manipulatrices, des jalouses, des moqueuses, des perverses, des fielleuses, des empoisonneuses, des qui vous font des ronds de jambe par devant et des grimaces par derrière ! Des qui vous disent qu’elles vous aiment et qui vont « frotter » ailleurs pendant que vous faites des heures supplémentaires pour agrémenter leur vie ! Des qui vous font des enfants dans le dos ! Des qui ont des crampes quand il faut passer l’aspirateur mais qui vous indiquent les coins de poussière quand vous faites le ménage ! Des qui ont les anglais qui débarquent pendant quinze jours et qui ont mal à la tête, les quinze jours suivants ! Des qui veulent manger au restaurant tous les soirs et qui ne supportent que le champagne ! Etc, etc.

Ce monde de faux-semblant est bien fait, l’équilibre est respecté. Pour chaque salaud, il y a une salope. Heureusement qu’ils ne s’accouplent que rarement. Imaginez des enfants de salauds…
A cause de ce mauvais tirage au sort, de cette Dame Nature, tellement primesautière, qui a besoin de nous tous, des bons et surtout des mauvais, c’est pour cela, mesdames, que vous êtes là pour supporter les salopards et c’est pour cela, messieurs, que nous assumons aussi les salopes. A votre heure de cette fin de lecture, en vérité, je vous le dis : je suis sûr d’être un… parfait salopard et j’aurai réussi le contrat de la semaine…


8 commentaires:

  1. "nous sommes tous le salopard de quelqu’un d’autre" et vice-versa... c'est le vice-versa qui m'inquiète !

    RépondreSupprimer
  2. Bel essai sur le sujet, et les femmes n'y sont pas oubliées - dont "salope", je trouve, n'est pas l'exact féminin. Faiblesse de notre langue ?

    RépondreSupprimer
  3. C'est vrai, il n'y a pas de féminin à salopard. Salope serait plus, à mon sens, le féminin de salaud. Pourtant, le suffixe est proche du mot salopard... Va comprendre...
    En tout cas, quelle verve, on en prend tous pour notre grade, CQFD ! Bravo !

    RépondreSupprimer
  4. Mwoui, pour la femme, il faudrait une nouvelle consigne... Mais on a déjà tellement décrié les femmes... Ma fibre féministe crolle un peu là o;)))

    Moi aussi, c'est le vice versa qui m'inquiète. Et plus généralement, quand on sort de la sphère privée...

    RépondreSupprimer
  5. Oui on est tous le con de quelqu'un. trop bon trop con !

    RépondreSupprimer
  6. L'arpenteur d'étoiles1 octobre 2015 à 19:45

    le féminin de salopard serait plutôt "garce" que salope qui; à mon sens, parle plus de l'aspect sexuel ... sinon, tes descriptions des deux personnalités homme et femme sont assez rudes et je rejoins Pivoine dans son commentaire "féministe". Cela étant l'écriture est mordante et laisse passer une vraie et saine colère !

    RépondreSupprimer
  7. Il m'a fallu un temps pour comprendre ce que c'est que le débarquement des Anglais o:))) - Evidemment, si les quinze jours suivants on boit du champagne, évidemment, on a mal de tête tout le mois...

    Garce, peste (c'est une fameuse peste) - ou "elle est frappadingue" ou "elle est complètement dingue", parmi mes amies, on emploie plutôt ce genre d'expression. Complètement dingue (voire, complètement siphonnée) Et bien qu'ayant côtoyé un jour une collègue vraiment très mauvaise, j'ai toujours eu tendance à la traiter de folle plutôt qu'autre chose. Et dans ce cas, elle aurait dû se faire soigner.

    La vie fourmille d'anecdotes où l'on a rencontré des salopards, des dingues et des ... Garces ... On apprend à faire avec... (Comme on dit à Bruxelles !)

    RépondreSupprimer
  8. En vérité... ça philosophe ferme....et il y aurait tant à dire, à redire et à commenter sur certains points....

    RépondreSupprimer

Les commentaires sont précieux. Nous chercherons toujours à favoriser ces échanges et leur bienveillance.

Si vous n'avez pas de site personnel, ni de compte Blogger, vous pouvez tout à fait commenter en cochant l'option "Nom/URL".
Il vous faut pour cela écrire votre pseudo dans "Nom", cliquer sur "Continuer", saisir votre commentaire, puis cliquer sur "Publier".