samedi 17 octobre 2015

Lorraine - Les premiers mots d'un livre (la suite)



Le début de "Les derniers jours des sourds" c'est ICI


En quelques minutes, ce fut un beau vacarme. Chaque sourd voulait se faire entendre, ils avaient perdu l’oreille, non la voix. Debout sur une caisse, Jasmin tenta bien d’imposer silence. Effort inutile ; il s’en rendit compte, n’insista pas et s’assit tout bonnement sur la caisse. C’était un bel homme, Lionel Jasmin, blond, la trentaine aux yeux bleus et dans la poussière, l’agitation de la police, , les manœuvres efficaces des pompiers, il éprouvait ce calme après la tempête dont on parle toujours mais qu’on vit rarement. : il goûtait le silence.

Il en savourait la douceur quand le gros Léon s’approcha de lui. Un gros Léon aux habits déchiquetés, hagard, qui le montrait du doigt en hurlant : « C’est lui ! ». Il le lut sur ses lèvres et sur celles des voisins qui s’aggloméraient autour d’eux. « Tiens, pensa Jasmin, je connais la lecture labiale ». Puis il ne pensa plus à rien, car on venait de l’assommer et il perdit connaissance.

Il se réveilla dans un lit d’hôpital, souleva discrètement une paupière, vit qu’il était seul et ouvrit carrément les yeux. Un plâtre maintenait sa jambe droite, mais il ne souffrait pas. Une infirmière s’approchait :

- Vous vous sentez mieux ? Vous l’avez échappé belle..

Il attrapa au hasard « échappé belle » sur les belles lèvres qui lui parlaient. Il tenta de sourire, sa joue enflée l’en empêcha mais il balbutia : « C’est vous qui êtes belle »…puis se tut, épuisé. Une main apaisante se posa sur son front :

- Essayez de dormir, j’ai peu de temps, l’hôpital est plein avec toutes ces bagarres mais je viendrai à la fin de mon service…A tantôt !

Il lut sans peine « A tantôt ! ». Puis, foudroyante, la vérité éclata :

- Mais je suis sourd ! Sourd !...A l’aide ! Au secours, au secours !...

Un gros poing s’abattit sur le lit, plus exactement sur la jambe brisée, il crut comprendre « C’est lui ! » , reconnut le gros Léon, et comprit sans qu’on lui explique qu’on allait lui demander des comptes. Le policier debout à son chevet attendait sa confession.

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