jeudi 22 octobre 2015

Lilousoleil - L'ombre de

L’ombre de la grande Coco, se profilait dans l’atelier de couture d’Emilienne.
Emilienne est née avec le vingtième siècle. A cette époque, même si l’école était obligatoire il y avait des manquements à la loi. Pourtant Emilienne adorait l’école et chaque fois elle s’y rendait elle travaillait avec plaisir. La maîtresse l’aidait de son mieux. Elle adorait les livres et ne perdait jamais une occasion de lire. Las, les petites filles étaient souvent sacrifiées pour s’occuper des frères et sœurs ou pour aider la mère. Et pour aider la pauvre Emilienne n’était jamais en reste. Faire le ménage dans les maisons bourgeoises comme on disait dans les temps anciens. Les femmes de ménage venaient le matin de bonne heure pour aider les servantes commensales. Entre serpillière et balai, chiffon à poussière et seau d’eau, Emilienne se dépêchait : plus vite le travail serait fait, plus vite elle partirait pour l’école. Les temps ont bien changé.
Un lundi matin en arrivant,  elle apprit par hasard que la petite bonne Vivi, à peine plus âgée qu’elle avait été renvoyée. On chuchotait des mots dans les couloirs ; renvoyée, faute, malfaisante, elle s’est fait biquée, enceinte, un polichinelle dans le tiroir. On riait sous cape de la mésaventure, on se gaussait à petits rires étouffés. Emilienne ne comprit que le mot « renvoyée » et elle eut un pincement au cœur car elle aimait bien Vivi. Personne à part la lingère ne prit la défense de cette petite. Sa mère lui dit de remplacer Vivi en plus de son travail habituel et Emilienne pénétra pour la première fois dans la grande bibliothèque.  L’odeur de papier ancien, de parchemin, de vélin, de cuir et d’encre flottait dans l’air ; l’encre comme à l’école. Elle n’avait jamais vu autant de livres. Elle ignorait que cela puisse exister. Elle dut s’asseoir… Elle avait le tournis. Elle se laissa choir près d’une petite table.
C’est alors qu’elle aperçut un livre ouvert. C’était plutôt une sorte d’album.  Une gravure de mode, un dessin à la plume, montrait un enfant apparemment un garçon qui jouait au sol avec une robe. Elle n’avait jamais vu de petit garçon en robe… Cela ne se faisait que dans la « belle société ». Sur une autre page, elle découvrit une poupée. Elle  fut très émue. D’abord parce qu’elle n’en avait pas ; en fait de poupée elle jouait en cachette avec les petits chats : il y en avait tant autour de l’immeuble, ensuite parce que la robe à volants était magnifique. Elle se souvint, alors que la maîtresse avait un jour expliqué que les poupées n’avaient pas toujours été des jouets mais des mannequins. Elles servaient à exposer les modèles que créaient les couturières. Emilienne tourna les pages à la recherche d’autres modèles, d’autres mannequins.
Coudre, elle savait mais bien coudre, couper et créer elle ne savait pas. Elle se confia à la lingère qui lui conta la vie de Gabrielle Chanel. Emilienne se mit à rêver. Elle eut envie de toucher les tissus, doux, soyeux, chatoyants colorés. Elle eut envie de voir de vraies dentelles. Elle avait tant aimé « Au bonheur des dames » d’Emile Zola. Elle aurait voulu ressembler à Denise…peu importe, elle avait son modèle, elle serait dans l’ombre de la grande Coco elle suivrait son chemin….

2 commentaires:

  1. Jolie chronique du passé.

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  2. L'ombre de.... ou comment susciter une vocation....Il suffit parfois de si peu....

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