lundi 23 mars 2015

Graind'sel - Du gâteau

Les cornues.

Chaque année, quand approchent les fêtes de Pâques, je pense invariablement à ma grand-mère maternelle. Et à ses cornues limousines.
D'aussi loin que je me souvienne, je revois cette petite bonne femme aux cheveux argentés, au visage sans rides et aux beaux yeux gris vert s'affairer dans la cuisine familiale l'avant veille et la veille de Rameaux.
Elle préparait pour la fratrie les brioches spéciales qui allaient décorer nos buis.
C'était tout un cérémonial et rien ni personne ne devait la déranger pendant qu'elle confectionnait ses pâtisseries. Elle acceptait quelquefois que je reste avec elle à condition d'être sage et de ne pas l'interrompre.
Pour moi, c'était la fête. A califourchon sur une chaise, je ne perdais pas une miette de ses gestes vifs et assurés. Elle disposait sur la grande table, les pots contenant la farine, le sucre, le sel, le lait et le beurre. Sans oublier le panier des œufs. Au levain déjà travaillé la veille et versé dans une jatte profonde, elle ajoutait un à un et dans un ordre bien établi tous les ingrédients nécessaires. En tout dernier, elle allait prendre dans le buffet une petite bouteille bleue et versait en les comptant, quelques gouttes dans la pâte qu'elle arrondissait avec des gestes larges. Il fallait ensuite que cette pâte repose toute la nuit.
J'attendais avec impatience le lendemain où odeurs et couleurs allaient m'enchanter. Mais c'était d'abord le découpage et la mise en forme des brioches qui me captivait. Il fallait qu'elles se présentent disposées en trois branches. Ma grand-mère n'a jamais su - ou voulu - m'en expliquer la véritable raison. Elle disait qu'elles étaient destinées au père, au fils et au saint esprit. Et naturellement, longtemps j'ai cru que je devais surveiller ma cornue pour que l'un de ces énergumènes ne me la vole pas !
J'ai appris depuis que cette coutume avait des origines païennes. Jusqu'au Moyen Age, l'une des pointes était plus longues que les autres prenant une forme phallique pour symboliser la fécondité. Un évêque de Limoges mit fin à ces pratiques en demandant que l'on confectionne des pointes d'égale longueur. Et, bien entendu décida que la cornue représenterait la Trinité.
Peu importe ! Qu'elles étaient belles et parfumées ! Toutes dorées. Bien gonflées. Mais pas question de les goûter. Il fallait d'abord en garnir notre buis pour la messe. Grand-mère plantait la tige de bois au milieu de la brioche et accrochait sur les rameaux des papillotes aux enveloppes colorées. Pendant toute la cérémonie, je louchais sur les friandises et léchais mes doigts que je passais en douce sur le sucre de la cornue. Et il fallait encore attendre la fin du repas pour pouvoir enfin déguster la gourmandise.
- C'est du gâteau Mémé. C'est encore meilleur que du gâteau disais-je en dévorant ma cornue. 
- Oui. C'est meilleur ma fille. C'est du pain bénit répondait-elle.  

6 commentaires:

  1. Pas de bonnes cornues limousines sans... un petit grain de sel :-)

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  2. C'est une bonne chose d'avoir rafraîchi cette coutume persistante et les souvenirs d'enfance qui vont avec... Amen

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  3. la tradition a du bon, y a pas à dire :)

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  4. Je ne connais pas les cornues mais ce texte donne envie d'y gouter même si j'imagine que celles d'une grand-mère ont un petit truc en plus.

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  5. Chez moi, c'était les cornadelles, gâteau triangulaire, en pâte sablée, légèrement sucrée, percé d'un trou en son centre, décoré de vermicelles en chocolat multicolore. Ce gâteau a complètement disparu..

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  6. Côté Charente, c'est la cornuelle, un sablé avec des grains d'anis, à trois pointes, avec un trou rond au milieu, pour y passer une branche de buis, à faire bénir le jour des Rameaux.

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