mardi 25 novembre 2014

Ours Bourru - 18h45

Ça tourne pas rond… Vraiment pas…!


Ils prenaient comme moi le 18h45. Tous.
C'est ce qu'on nous avait dit à l'agence Havas-Nouvelles Frontières. "Ce qu'il vous faut, c'est le 18h45. Il est particulièrement bien adapté à votre cas. Avec lui, plus de problème, la régénération est optimale. Vous vous rendez compte? 18h45 de sommeil tout en voyageant dans le continuum hyper espace. Vous vous endormirez au spatioport et vous réveillerez chez vous dans votre lit. En plus, votre cueillette est épluchée et préparée par notre robot chef Maïté suivant une recette landaise qui lui vient de son arrière grand-mère. Les bocaux seront rangés dans vos placards, vos affaires lavées et repassées. Oui, ce qu'il vous faut c'est le 18h45, vraiment!"

Et voilà, on était tous dans la file du quai sur la "Terre Jumelle" à attendre l'appel pour le retour. Il faut dire qu'ici c'était la pleine saison pour les champignons et, bien sûr, cela commençait à se savoir. Chaque année il y avait de plus en plus de monde et maintenant, on n'avait plus droit qu'à cinq pauvres Tupperware d'un litre pour la collecte. La spatiodouane équipée de chiens et de cochons renifleurs y veillait sévèrement.

La "Terre Jumelle", quel merveilleux endroit! Et dire qu'on avait d'abord ri au nez de son "inventeur", le génial astronome képlérien Pûrrat-Endr. Pourtant, cet homme, après de savants calculs, avait su expliquer les "non-failles gravitationnelles" du système solaire, "non-failles" qui s'expliquaient simplement par la présence de "doubles" des planètes diamétralement opposées à celles-ci par rapport au Soleil. Les mauvaises langues disaient qu'il avait eu cette idée saugrenue en retournant son tableau pour écrire un soir de beuverie où il voyait double, n'empêche, la sonde Rosetta XIII dépêchée à la poursuite de la comète Chourave avait trouvé et photographié la Terre Jumelle! Allo, Houston, on a un problème… Houston? Allo! Mais allo, quoi…

Pûrrat-Endr avait raison! Les doubles planétaires existaient bel et bien et faisait du système solaire un système très coriace et d'une solidité à toute épreuve. Le problème résidait dans l'observation, on ne voyait que d'un coté du monde, l'autre, celui des éléphants roses comme disaient encore certains esprits chagrins, était masqué par notre étoile. Il fallait envoyer une mission d'observation vers la "Terre Jumelle". Celle-ci fut dirigée par le propre fils du kléperien Pûrrat-Endr, San Pluzat-Endr associé à la barbare Ella. Ce premier voyage prit évidemment un semestre. Les ingénieurs avaient choisi d'envoyer dans l'espace l'astronef d'observation et de le laisser à l'arrêt en attendant que la terre jumelle passe par là ce qui, comme chacun s'en doute, prend bien ses 6 mois. Ella et San passèrent ce temps à faire leur déclaration d'impôt, à se faire sévèrement contrôler et à fournir des tas de justificatifs. Quand enfin la Terre Jumelle apparu, ils étaient donc très, très motivés pour découvrir un nouveau paradis fiscal et leur mission fut couronnée de succès. La "Terre Jumelle" était en tout point semblable à la Terre mais en plus "nature". Ils décidèrent de s'y installer après avoir dit adieu aux noms du père et du fisc, et l'esprit saint. Ce fut le début de la colonie.

Quel rapport me direz-vous avec le 18h45? Pas grand-chose effectivement, sauf que cette "Terre Jumelle", après bien des aventures (mais celles-ci sont d'autres histoires), cette "Terre Jumelle" a depuis été sanctuarisée, sur les demandes pressantes des descendants de la famille de l'Inventeur, en particulier, le célèbre Yann Amar d'At-Endr. Transformée maintenant en parc mondial sidéral, elle permet aux Terriens de souche de toucher, un peu, aux origines, aux saveurs oubliées d'un monde pur et non pollué, surtout maintenant que le voyage dans l'espace s'est démocratisé.

Et tout ça grâce aux 18h45. On a du mal à s'imaginer. Rappelons- nous les six mois du premier voyage.

Donc, on était là sur le quai à attendre l'appel et l'inspection, avec nos truffes dans les tupperwares… Et c'est là où je me suis laissé aller. Je n'aurais pas du faire confiance à ce petit vendeur à la sauvette local, un "fraudeur", comme on les appelle, digne vanupied descendant de San, d'Ella. Il a vu que j'étais Suisse et m'a demandé l'heure. "Peuh! Zarbi qu'elle est ta toque! Wouaouh, qu'on dirait la pomme de Guillaume Tell r'lookée par du Jobs Art! Même pas tech! P'tain, mec, j'te kiffe! Tiens v'la de quoi pas speeder pendant le vol. Pour toi, c'est trois crédos". Oui, ici, sur la "Terre Jumelle" les crédits, s'appellent des crédos, rapport aux origines sûrement. J'avais justement quelques pièces en trop qui me seraient inutiles au retour alors j'ai acheté sa pilule. On m'appela et je me préparai pour le transfert. Tupperwares et vêtements d'un coté, moi et les pilules de l'autre. Reniflements… Rien de suspect. Vous pouvez passer. Avalez. Gloups. Et voilà…

Et voilà… Voilà comment je me suis retrouvé dans une auberge du Valais à table avec un gros type frisotant de Villers-Cotterêts qui me convie à partager son tendre bifteck d'ours…

Considérant sa mise, je ne pus m'empêcher de lui demander la date du jour. A quoi Alexandre me répondit en sortant son oignon du gousset, nous sommes le 18 avril 1845 et il est 18h45…

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